4.
Entre la Solfatara qui veille et le Vésuve endormi,
Naples.
Via dei Tribunali. Palazzo Spinelli, Sur la terrasse de
l’Albergo del Purgatorio. Le spectre noir si proche. « A Muntagna »,
appelé ainsi par les Napolitains, dessine un M dans le ciel. M d’aimer ou
M de mourir. Quelque part dans la nuit, des détonations déchirent l’air
et une féerie de couleur e lumière explose et se hisse au dessus des forêts
d’antennes de télévision, enchevêtrées sur les toits des immeubles en pierre de
lave. Un anniversaire, une sortie de prison, l'arrivée de la drogue…
Naples, la soif de vivre ! Naples nous happe, prend
possession de nous et très vite on se retrouve pris dans ses filets. Chaque
instant, un moment d’éternité. Décembre. La ville grouille de monde. Une foule
heureuse qui avance compacte et lente, lentement. C’est la grande fête. Les
rues, les venelles, scintillent, animées de guirlandes, fleurs en papier,
statues en stuc et les santons. Une odeur de fleur d’oranger et de marrons
chauds embaume l’air. Jamais Naples n’est autant pérégrination. Naples, que la
politique du Nord a voulu faire rayer de la carte, avec un plan délibéré de
mettre la ville à l’écart des touristes, résiste. Naples que la Camorra, reine
du crime, essaie de contrôler par tous les moyens, afin que les importations du
marché noir puissent circuler librement, se rebelle. Dévastée, avec le
consentement de l’Europe, l’économie dite légale, reprend petit à petit. On y
vient de part et d’autre du monde. Je n’arrive pas à me convaincre de la
réalité palpable et immédiate de ma présence en ces rues, étroites comme des
failles dans la pierre. Depuis les fenêtres, entre couleur et linge qui sèche,
chacun entretient un dialogue avec ceux en bas, dans la rue. Ici on ne chuchote
pas. Le spectacle est omniprésent et le décor magnifique. Mon regard va de
gauche à droite. On est dans le pays du bel canto et dans la rue et au
quotidien, les plus grands acteurs du monde. Ici on joue la vie. Chaque jour.
Mais aussi, la douleur et la joie. La joie de la naissance, en somme, la joie
d’être en vie. Pulcinella. Et dans les cours, aux pavés disjoints, les
presepi. Des milliers de petites lucioles de toutes les couleurs brillent
entre les santons. C’est religion. Le 25, le peuple le plus païen de la terre,
fête, avec ferveur, l’enfant-dieu. Chaque année, un sapin de Noël est placé au
milieu de la très belle Galleria Umberto I. On y vient accrocher sa
« lettre au père Noel ». Chaque année, le sapin est
volé !
Et partout dans la ville, sur les dalles en
pierre volcanique, qui nous font tordre les chevilles, on installe des baraques
en bois : on y vendra du feu d’artifice. Il n’y pas une nuit sans,
d’ailleurs. La nuit du 31, on dit que « le monde devient
fou ». La coutume veut qu’on jette tout ce dont on ne veut plus, par
la fenêtre