1.
Tout a commencé avec une carte postale.
« Je suis en chemin vers Sintra au volant
d’une Chevrolet. Si à Paris, rien ne te retient, rejoins moi à Naples, jeudi 25
Avril à 15h. Laura t’ouvrira les portes du Palazzo Marigliano.
R.K.
»
La carte représentait une âme du Purgatoire et, comme tout en elle était
évocation, d’emblée elle m’a plu. Les initiales ne m’étaient pas
inconnues. Elles signaient les différentes cartes et lettres que je recevais
depuis un certain temps déjà et que je collectionnais dans un coin de mon
bureau. Souvent je répondais et longtemps je me suis demandée si cette
correspondance n’était pas seulement le fruit de mon imagination, car à dire
vrai, je ne savais pas qui m’écrivait. Mais ces mots eurent l’effet d’une
musique et lentement je me suis laissée emporter à rêver. J’ai fait mes
bagages. Je n’ai pas cherché à comprendre. Après tout, je ne risquais rien et
n’avais rien à perdre.
Naples me convenait, par sa beauté, ses couleurs, son
excès de bruit, de mystère, de vie, de violence et de folie, son excès de tout.
Naples, la seule vraie capitale de l’Italie disait
Stendhal.
Le Palazzo était vide. En arrivant, Laura me remit une autre carte. D’ailleurs, Laura ne se
souvenait pas avoir vu R.K. Serait-il en perpétuel voyage ? À
l’instar du personnage du film de Hitchcock, Kaplan, qui laisse volontiers les
clefs de sa demeure à des hôtes privilégiés ? Je n’ai pas voulu demander
si un jour elle l’avait croisé. Je me cramponnais à une certaine logique pour
ne pas avoir peur de me perdre. Si R.K. n’existait pas, comment pourrait-il
continuer à m’écrire ? Pur délire !
« Reste chez moi, vis là jusqu’à mon retour, sois mon
invitée. R.K. »
Chaleur de Juillet. Mon cœur bondissait de joie. Depuis
la terrasse du Palazzo, j’avais une des plus belles vues de
Naples : l’ardeur des pierres, les échafaudages, rouillés et que se
fissurent, le linge à sécher sur une corde entre deux balcons, les scooteurs
zigzagant et une église livrée aux pigeons. Obscène séduction.