samedi 14 décembre 2013

Napoli, le Purgatorio


4.
Entre la Solfatara qui veille et le Vésuve endormi, Naples.

Via dei Tribunali. Palazzo Spinelli, Sur la terrasse de l’Albergo del Purgatorio. Le spectre noir si proche. « A Muntagna », appelé ainsi par les Napolitains, dessine un M dans le ciel.  M d’aimer ou M de mourir.  Quelque part dans la nuit, des détonations déchirent l’air et une féerie de couleur e lumière explose et se hisse au dessus des forêts d’antennes de télévision, enchevêtrées sur les toits des immeubles en pierre de lave. Un anniversaire, une sortie de prison, l'arrivée de la drogue…

Naples, la soif de vivre ! Naples nous happe, prend possession de nous et très vite on se retrouve pris dans ses filets. Chaque instant, un moment d’éternité. Décembre. La ville grouille de monde. Une foule heureuse qui avance compacte et lente, lentement. C’est la grande fête. Les rues, les venelles, scintillent, animées de guirlandes, fleurs en papier, statues en stuc et les santons. Une odeur de fleur d’oranger et de marrons chauds embaume l’air. Jamais Naples n’est autant pérégrination. Naples, que la politique du Nord a voulu faire rayer de la carte, avec un plan délibéré de mettre la ville à l’écart des touristes, résiste. Naples que la Camorra, reine du crime, essaie de contrôler par tous les moyens, afin que les importations du marché noir puissent circuler librement, se rebelle. Dévastée, avec le consentement de l’Europe, l’économie dite légale, reprend petit à petit. On y vient de part et d’autre du monde. Je n’arrive pas à me convaincre de la réalité palpable et immédiate de ma présence en ces rues, étroites comme des failles dans la pierre. Depuis les fenêtres, entre couleur et linge qui sèche, chacun entretient un dialogue avec ceux en bas, dans la rue. Ici on ne chuchote pas. Le spectacle est omniprésent et le décor magnifique. Mon regard va de gauche à droite. On est dans le pays du bel canto et dans la rue et au quotidien, les plus grands acteurs du monde. Ici on joue la vie. Chaque jour. Mais aussi, la douleur et la joie. La joie de la naissance, en somme, la joie d’être en vie. Pulcinella. Et dans les cours, aux pavés disjoints, les presepi. Des milliers de petites lucioles de toutes les couleurs brillent entre les santons. C’est religion. Le 25, le peuple le plus païen de la terre, fête, avec ferveur, l’enfant-dieu. Chaque année, un sapin de Noël est placé au milieu de la très belle Galleria Umberto I.  On y vient accrocher sa  « lettre au père Noel ».  Chaque année, le sapin est volé !
Et partout dans la ville, sur les dalles en pierre volcanique, qui nous font tordre les chevilles, on installe des baraques en bois : on y vendra du feu d’artifice. Il n’y pas une nuit sans, d’ailleurs. La nuit du 31,  on dit que  « le monde devient fou ».  La coutume veut qu’on jette tout ce dont on ne veut plus, par la fenêtre

Naples, tout un voyage, un voyage au ventre de la Terre.

vendredi 22 novembre 2013

L'imprévisibilité, le charme de Napoli


3.
La terre peut trembler et le Vésuve vomir des torrents de lave enflammée. Augusto Antonio Viola le sait. Architecte, designer, professeur à La Sorbonne, il partage sa vie entre Paris et Torre Annunziata, où il est né. Ici, il peaufine son dernier projet : créer des résidences d’artistes sur un flanc du Vésuve. Créer au dessous du volcan ? Pourquoi pas ? Ses flancs sont littéralement grignotés par l’urbanisation galopante de la région. Le tissu urbain y est si dense que les communes qui se sont développées alentours semblent ne former qu’une immense ville grouillante encerclant le volcan. Les voies d’évacuation sont devenues périmées, bloquées par des constructions illégales. Quelques riverains se sont récemment plaints au Tribunal Européen des Droits de l’Homme. Ils lui demandent protection. Pas évident de vivre sur un volcan !

Et pourtant, Mitzi di Salvo, n’a jamais vécu ailleurs que sur le cratère dont sa famille est propriétaire et depuis plus de cent ans, La Solfatara. Sa belle maison rouge Pompéi, est sur un sol qui bouge, qui monte et descend en mouvements bradysismiques. Elle se veut rassurante, et me dit qu’aucun volcan au monde n’est autant surveillé, des satellites mesurent quotidiennement son comportement.  Le cratère est un énorme désert blanc et plat. Entouré de fumerolles et de bulles de boue en ébullition. Rien à voir avec l’image classique d’un volcan. L’odeur est âcre, du soufre. Partout on la respire, elle devient presque agréable. Thérapeutique. La Solfatara, implacable dans son souffle, chaud et humide. Un endroit magique. Mystérieux et inquiétant à la fois " la région la plus merveilleuse du monde sous le ciel le plus pur et le sol plus traître " écrivait Goethe dans Voyages en Italie. Sous nos pieds, du magma bouillonnant. Ici, la terre se soulève de quelques centimètres par mois. Bienvenue dans l’antichambre de l’Enfer.
 
C’est à dire, si le réveil du Vésuve est une certitude aux yeux des scientifiques dont l’éruption attendue devrait dégager une énergie colossale, détruisant tout sur son passage en quelques secondes, La Solfatara,  le « petit volcan «  acheté par l’arrière grand père de Mizi Di Salvo, que, semble-t-il, a un regain d’activité depuis peu, n’est que la pointe de l’iceberg. Elle cache un super-volcan de plus d’une centaine de kilomètres carrés. 
Toute fuite est impossible, sinon dans la mort.


Tel est le charme de Naples. Elle offre l'excitation d'imprévisibilité.

Alors, les vulcanologues veillent et les Napolitains s’en remettent à leur protecteur : San Gennaro, le grand saint de Naples ! Martyr décapité sur la soufrière au IVe siècle. Chaque année, au mois de Mai, sa statue est portée en procession autour du cratère. N’a-t-il pas déjà sauvé Naples plusieurs fois ?
La Solfatara? Un grand autel païen.

lundi 18 novembre 2013

Napoli - Albergo del Purgatorio N°2



2.
La carte venait de Lisbonne. «Lisbonne, fille d’Ulysse, sous tes rues ensoleillées en marqueterie noire et blanche, il existe une Pompéi qui ne sera jamais ressuscitée » pensais-je.
Longtemps, j’ai rêvé d’habiter Lisbonne. Longtemps, le courage m’a failli. Je listais ce dont je pourrais venir à manquer, et invariablement, je justifiais ma lâcheté par un « et puis, à nouveau, la terre tremblera ». Inondée de lumière, elle l’a été aussi par l’eau, et quoi qu’il en soit, Lisbonne me posait le problème de la mortalité. Et Naples si présente. Si réelle. Dans son ventre violent, qui nous happe et nous fait mourir d’amour, une bombe à retardement.


Oui, je suis au pied du Vésuve et ainsi pourrait continuer un autre chapitre d’une correspondance sans fin avec Robert Kaplan, une rencontre qui n’a jamais eu lieu. Regards croisés voilà plusieurs années déjà avec un personnage fictif, dans un lieu vrai. L’Albergo del Purgatorio.



Via dei Tribunali. Le Purgatoire n°2. Pour entrer dans la joie du ciel.

Le Purgatoire est tout, sauf neutre. Si on se tient à la définition, un passage obligé, une loi très commune avant l’éternité. Si proche d’une ancienne porte des Enfers, le lac d’Averne, le Purgatoire, au Palazzo Spinelli di Laurino, est l’invitation. Un de plus beaux palais de la ville, à la cour ronde et à l’escalier monumental orné de statues de princesses Caracciolo. Habité, bien évidemment, mais par une douce anarchie, où rien n’est laissé au hasard. Plafonds hauts de 8 mètres, couleur sur les murs tapissés d’œuvres  d'art  que l'on peut acheter, signées John Giorno, Jacques Villeglé, Bernard Heidsieck, Françoise Janicot, Paolo Stampa, Giuseppi Zevola, Paul Armand Gette et j’en passe, et au sol, de magnifiques tapis Afghans.  
Le Purgatoire, un endroit pour un séjour, plus ou moins bref, pour tous ceux qui seraient attirés par l’imaginaire de cette ville, me dit Nathalie Heidsieck de Saint Phalle, la créatrice des lieux,  pour ceux qui aiment autant la nuit que le jour et les livres, car tous ceux qu’y passent laissent un livre, même un vieux poche, en y ayant inscrit son nom et la date.

Soit que l'on en ait entendu parler par quelqu'un y étant passé, soit par un article, le plus souvent très loin de la réalité, impossible d’y résider sans avoir adhéré à l’association Locus Solus, baptisée ainsi en hommage à l'écrivain Raymond Roussel, précurseur des surréalistes. Association culturelle à but non lucratif n’ayant qu’un seul but, celui d’aider ceux qui en ont besoin.


Lieu invraisemblable, hors normes, on adore ou on déteste. Je viens ici depuis dix ans !











dimanche 17 novembre 2013

Napoli - Albergo del Purgatorio N°2



1.
Tout a commencé avec une carte postale.                                                                        
  « Je suis en chemin vers Sintra au volant d’une Chevrolet. Si à Paris, rien ne te retient, rejoins moi à Naples, jeudi 25 Avril à 15h. Laura t’ouvrira les portes du Palazzo Marigliano.                                                                                                           R.K. »                            
La carte représentait une âme du Purgatoire et, comme tout en elle était évocation, d’emblée elle m’a plu. Les initiales ne m’étaient pas inconnues. Elles signaient les différentes cartes et lettres que je recevais depuis un certain temps déjà et que je collectionnais dans un coin de mon bureau. Souvent je répondais et longtemps je me suis demandée si cette correspondance n’était pas seulement le fruit de mon imagination, car à dire vrai, je ne savais pas qui m’écrivait. Mais ces mots eurent l’effet d’une musique et lentement je me suis laissée emporter à rêver. J’ai fait mes bagages. Je n’ai pas cherché à comprendre. Après tout, je ne risquais rien et n’avais rien à perdre.

Naples me convenait, par sa beauté, ses couleurs, son excès de bruit, de mystère, de vie, de violence et de folie, son excès de tout.

Naples, la seule vraie capitale de l’Italie disait Stendhal. 

Le Palazzo était vide. En arrivant, Laura me remit une autre carte. D’ailleurs, Laura ne se souvenait pas avoir vu R.K.  Serait-il en perpétuel voyage ? À l’instar du personnage du film de Hitchcock, Kaplan, qui laisse volontiers les clefs de sa demeure à des hôtes privilégiés ? Je n’ai pas voulu demander si un jour elle l’avait croisé. Je me cramponnais à une certaine logique pour ne pas avoir peur de me perdre. Si R.K. n’existait pas, comment pourrait-il continuer à m’écrire ? Pur délire !

« Reste chez moi, vis là jusqu’à mon retour, sois mon invitée. R.K. »

Chaleur de Juillet. Mon cœur bondissait de joie. Depuis la terrasse du Palazzo, j’avais une des plus belles vues de Naples : l’ardeur des pierres, les échafaudages, rouillés et que se fissurent, le linge à sécher sur une corde entre deux balcons, les scooteurs zigzagant et une église livrée aux pigeons.  Obscène séduction.




vendredi 8 novembre 2013

Lisbonne, la ville blanche


Le trottoir portugais ou calçada Portuguesa est un art véritable et authentique - de petites pierres de taille irrégulière, une blanche une noire, calcaire et basalte, sont posées une par une dans un schéma souvent beau et poétique, parfois même sérieux et humoristique. les calceteiros, tirent partie es diaclases du calcaire et ajustent les pierres selon les modèles et les formes à répétition. La géométrie du XXe siècle a montré qu'il existe un nombre limité de symétries possibles dans le plan: 7 pour les frises ( le motif se répéte dans une séquence linéaire)  et 17 pour les motifs.

Outre sa beauté, cette chaussée typiquement reconnaissable portugaise est aussi durable et écologique. En outre, l'eau de pluie peut pénétrer dans le sol (ce qui n'est pas le cas avec le béton), et les cailloux reflètent la lumière du soleil, ce qui fait le titre de Lisbonne, la ville blanche. Il parait, que certains de ces dessins cachent des messages secrets et d'autres sont des pures modèles de mathématique.

Reconnue dans le monde entier, cette mosaïque portugaise a traversé frontières et bien souvent les "calceteiros" sont appelés à dessiner le sol dans une ville à milliers de kilomètres de la capitale du Portugal, comme récemment au Venezuela, à Macau, Brésil, Gibraltar, Espagne, Mozambique ainsi que "Imagine" le mémorial à John Lennon au Central Park.
En dépit de sa beauté l'art de la mosaïque est menacée dans son existence, son coût est élevé et l'école à la Quinta do Conde dos Arcos peine à continuer ses cours.  À Lisbonne, ce travail ne semble guère trouver des émules ou tout simplement être respecté. Il semblerait que la relation des lisboètes et la "calçada" est un mélange d'amour et mépris.  La "calçada" est donc en danger.
En danger de disparition !
En effet, une décision vient d'être prise par la mairie de Lisbonne, de remplacer les petites pierres blanches et noires, sous le faux prétexte que le pavement est glissant, pavement qui orne les rues de Lisbonne depuis plus de deux cents ans par,  certainement un marché plus juteux, de grosses dalles marbrés, dites pierre de Lisboa ou pierre de lioz et/ou par du granit.

Alors que le trottoir portugais est "l'ex-libris" de Lisbonne, facteur d'identité derrière la ville et à travers les frontières, un élément central de sa beauté et la luminosité, respectueux de l'environnement, régulation de la température et l'augmentation de la perméabilité du sol, la  grande dalle en pierre de lioz  rapidement très salissante ne pourra jamais concurrencer la mosaïque ni en beauté, ni en écologie, et jamais en réflecteur de la lumière.

Nous ne nous conformons pas, et ne voulons pas que la ville blanche devienne grise par un marché enrichissant pour certains mais pas pour l'identité de la ville de Lisbonne. Au contraire, nous demandons à la Mairie de s'en occuper de ce que lui est dû - la manutention du Patrimoine portugais


Signez la pétition et partagez-la
http://www.gopetition.com/petitions/pela-manutenção-da-calçada-portuguesa-na-cidade-de-lisboa.html




Escola de Calceteiros
Quinta Conde dos Arcos,  Av. Dr. Francisco Luís Gomes, 1800-180 Lisboa
Tel.: 21 855 06 90 * E-mail: escoladecalceteiros@cm-lisboa.pt

Cette année, l'école  de Calceteiros de Lisbonne a annulé ses cours parce qu'il n'y avait que  4 étudiants inscrits. 






jeudi 7 novembre 2013



Poem




Qualquer caminho leva a toda parte.
Qualquer caminho 
Em qualquer ponto em dois se parte 
E um leva aonde termina a estrada 
Outro é sonho.

Fernando Pessoa

mardi 12 février 2013

samedi 2 février 2013

saison de la truffe oblige

Se taper des pâtes aux truffes...dans ce bistrot qui n'a pas vieilli, et qui reste toujours une de mes adresses préférées Le Cherche Midi

jeudi 31 janvier 2013

                             I'm leaving on a jet plane