lundi 13 janvier 2014

Napoli, l'underground


5. 
Et pendant que Naples se fissure, la terre engloutit, la vie continue. En haut comme en bas. Oui, tout ce dont nous voyons repose sur un vide aux dimensions  équivalentes,  parfois formes identiques, comme l’église des âmes du Purgatoire.  Sous terre, il y a des couloirs immenses, qui permettent à la Camorra de s’enfuir, des catacombes où l’on organise des expositions d’art contemporain, des cimetières où l’on caresse les crânes des morts, et des grottes, immenses grottes, où l’on travaille ou où l’on vit. Où l’on vit intensément, comme partout à Naples. La ville grouille de projets, les uns les plus audacieux que les autres et des gens qui les animent. Oui c’est l’époque de Noel, des dons et les Napolitains, habitués qu’ils sont à vivre avec la Culture, soutiennent tous ces projets.  Il y a ce citoyen qui, las de voir les monuments de son quartier s’effriter, part faire du porte à porte, afin de réunir la somme nécessaire à leur restauration. Il y a des artistes qui mettent une de leurs œuvres aux enchères afin que le musée Filangieri, qui abrite une belle collection privée, ouvre à nouveau ses portes. Il y a le crowdfunding, lancé par l’architecte Antonio Giuseppi Martiniello qui a investi dans un Cloitre abandonné, le Cloître Santa Caterina, exemple d’architecture Renaissance, dans un quartier d’une valeur culturelle immense mais aussi d’une valeur humaine unique : le quartier à côté de la Porta Capuana  Il  vient de l’emporter, haut la main, chapeau, et a réuni la somme nécessaire à la réalisation d’un toit en verre, pour ce lieu qui accueillera des activités culturelles, artisanales et artistiques. Jimmie Duhram, qui, depuis son début soutient le projet -Made  in Cloister - y a déjà installé son atelier. Et puis, il ya la vente aux enchères la plus inattendue : la mise en vente au Palais de Justice des objets récupérés à la Camorra, la liste est longue - peintures, sculptures, objets religieux,  machines à écrire, violons, affiches - et qui n’ont pas été réclamés ou retrouvé leur propriétaire.

Et partout Naples. Entre un café, un capuccino, Naples. Toujours. Égoïstement je le dis fort heureusement une ville délaissée par le tourisme de masse où, comme à Lisbonne, dès qu’il se met à pleuvoir, les vendeurs de parapluie apparaissent comme par enchantement.
À peine arrivée, dans ce Palais du XVI, endommagé par le bombardement des alliés et le tremblement de terre le plus récent et qu’en dix ans je n’ai connu qu’avec des échafaudages,  au salon où, on se plait à imaginer un bal dont la musique et le froissement des robes longues s’entremêlent, forcément une ambiance très viscontinienne, on me parle de Misia. La chanteuse, le Fado, son destin. Misia, l’envoutante, la séductrice. Sa voix, sa sensualité, sa musicalité, la seule vraie Napolitaine du film de John Turturro, les éloges ne manquent pas lorsqu’on me parle d’elle.
Là où je ne m’attendais pas, Lisbonne me rattrape. Et son destin avec.