5.
Et
pendant que Naples se fissure, la terre engloutit, la vie continue. En haut
comme en bas. Oui, tout ce dont nous voyons repose sur un vide aux dimensions équivalentes, parfois formes identiques, comme l’église des âmes du Purgatoire.
Sous terre, il y a des couloirs
immenses, qui permettent à la Camorra de s’enfuir, des catacombes où l’on
organise des expositions d’art contemporain, des cimetières où l’on caresse les
crânes des morts, et des grottes, immenses grottes, où l’on travaille ou où
l’on vit. Où l’on vit intensément, comme partout à Naples. La ville grouille de
projets, les uns les plus audacieux que les autres et des gens qui les animent.
Oui c’est l’époque de Noel, des dons et les Napolitains, habitués qu’ils sont à
vivre avec la Culture, soutiennent tous ces projets. Il y a ce citoyen qui, las de voir les monuments de son
quartier s’effriter, part faire du porte à porte, afin de réunir la somme
nécessaire à leur restauration. Il y a des artistes qui mettent une de leurs
œuvres aux enchères afin que le musée Filangieri, qui abrite une belle
collection privée, ouvre à nouveau ses portes. Il y a le crowdfunding, lancé
par l’architecte Antonio Giuseppi Martiniello qui a investi dans un Cloitre
abandonné, le Cloître Santa Caterina, exemple d’architecture Renaissance, dans
un quartier d’une valeur culturelle immense mais aussi d’une valeur humaine
unique : le quartier à côté de la Porta Capuana Il vient de l’emporter,
haut la main, chapeau, et a réuni la somme nécessaire à la réalisation d’un
toit en verre, pour ce lieu qui accueillera des activités culturelles,
artisanales et artistiques. Jimmie Duhram, qui, depuis son début soutient le projet
-Made in Cloister - y a déjà
installé son atelier. Et puis, il ya la vente aux enchères la plus
inattendue : la mise en vente au Palais de Justice des objets récupérés à
la Camorra, la liste est longue - peintures, sculptures, objets religieux, machines à écrire, violons, affiches - et
qui n’ont pas été réclamés ou retrouvé leur propriétaire.
Et partout
Naples. Entre un café, un capuccino, Naples. Toujours. Égoïstement je le dis
fort heureusement une ville délaissée par le tourisme de masse où, comme à
Lisbonne, dès qu’il se met à pleuvoir, les vendeurs de parapluie apparaissent
comme par enchantement.
À
peine arrivée, dans ce Palais du XVI, endommagé
par le bombardement des alliés et le tremblement de terre le plus récent et
qu’en dix ans je n’ai connu qu’avec des échafaudages, au salon où, on se plait à imaginer un bal dont la musique et
le froissement des robes longues s’entremêlent, forcément une ambiance très viscontinienne,
on me parle de Misia. La chanteuse, le Fado, son destin. Misia, l’envoutante,
la séductrice. Sa voix, sa sensualité, sa musicalité, la seule vraie
Napolitaine du film de John Turturro, les éloges ne manquent pas lorsqu’on me
parle d’elle.
Là où
je ne m’attendais pas, Lisbonne me rattrape. Et son destin avec.