lundi 5 octobre 2009

La Douleur- de Marguerite Duras



Samedi après midi. Il fait chaud, ciel bleu et soleil. C est l’Été Indien à Paris. Ce soir Nuit Blanche.
Les yeux rivés sur l’écran de mon ordinateur, je fais défiler les e mails reçus la veille et pas encore lus. Je cherche le programme pour cette nouvelle édition de la Nuit Blanche. Mon Mac, annonce l’arrivée d’un autre message tout frais. Je ne sais pas pourquoi ma curiosité va d’emblée à celui-ci.
Il est 15h. Un mail de la Fédération International des Droits de l’Homme. Une rectification de l’horaire de la représentation exceptionnelle cette après midi au Théatre de l'Atelier place Charles Dullin, par Dominique Blanc Elle y joue depuis quelques jours La Douleur de Marguerite Duras, une mise en scène de Patrice Chéreau et Thierry Thieû Niang .
Cette après midi, Dominique Blanc offre le bénéfice de la vente des places à la FIDH.

Je profite de l' occasion. Une pièce où sont réunis que des gens que j’aime et par la même occasion faire un don pour la FIDH.

A la Libération, comme tant d’autres femmes en France, Marguerite Duras a attendu son compagnon, Robert Antelme, déporté à Dachau. Elle a retrouvé les carnets bleus dans lesquels elle avait écrit “La Douleur” à la fin des années 1980, et les a donc publiés après son succès de “L’Amant” (1984). Déposés à l’IMHEC, les carnets de guerres de l’auteure ont été publiés chez Gallimard, il y a deux ans. Cette publication a prouvé que très peu de ce texte a été réécrit. Il s’agit donc d’un témoignage authentique.

J’ai de la chance. Il ne reste que trois places. Strapontin corbeille. La mise en scène minimaliste de Patrice Chéreau comme est coutume, et déjà sur scène, Dominique Blanc, assise à une table, la table d’écriture, nous tourne les dos et attend. Elle attend. Elle attend telle Duras dans son attente.

Ce texte est bouleversant. Il mêle la politique, l’angoisse, Dieu et les sentiments contradictoires de quelqu’un qui ne sait plus tellement qui elle attend, tandis qu’elle imagine le pire pour l’homme qu’elle aime - avec raison. D’un point de vue historique, “La Douleur” est un formidable témoignage. Écrit à chaud, le texte est un récit minutieux des affres de l’attente, dans le désordre organisé du retour des prisonniers de guerre et des déportés, sur fond de musique gaie, à la gare d’Orsay. On y apprend également les détails du retour à la vie d’un homme d’1m84 et qui pèse moins de 34 kilos. Et Duras n’épargne aucun détail, mêlant ses considérations la responsabilité de tous les Européens dans ce crime à la texture et l’odeur des excréments du déporté. Cela peut paraître trivial, mais c’est important. Dans les coulisses des réflexions sur la nature humaine qu’a publiées Antelme, avec “L’Espèce humaine”, Duras montre à quel point la nature humaine est complexe et contradictoire.

L’attente est une souffrance intolérable, une petite mort, et la joie du retour de l’homme aimé n’empêche ni la lâcheté, ni le dégoût.

Le texte n est pas dans l’intégralité, mais il me semble qu’il aurait était difficile. Le spectacle est éprouvant. Dominique Blanc nous tiens pendant une heure et demi, accrochés aux mots, (aux maux de Duras) et je n’était pas la seule à me mordre les lèvres pour ne pas éclater en sanglots.